La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire ». De manière plus simple, il s’agit de la contribution des entreprises aux enjeux de développement durable.

La responsabilité sociétale des entreprises et/ou organisations (RSE/RSO) désigne ainsi une orientation du modèle économique tendant à réduire les impacts négatifs et à augmenter les impacts positifs des activités menées par les entreprises et organisations, à la fois :

  • pour les salariés/employés,
  • pour la société dans son ensemble (notamment les habitants des lieux d’implantation des activités/organisations)
  • et pour l’environnement au sens large,

sur la base d’une stratégie volontaire élaborée avec les parties prenantes, à partir d’une transparence partagée, en vue d’offrir des biens et services de façon de plus en plus durable.

La RSE est donc la déclinaison par l’entreprise des concepts de développement durable, qui intègrent les trois piliers environnementaux, sociaux, et économiques. Cette démarche est née, notamment, suite aux problèmes environnementaux planétaires rencontrés depuis les années 1970 et a été introduite aux États-Unis sous le nom de Corporate Governance. Ensuite, elle a été à l’ordre du jour du sommet de la Terre de Johannesburg en 2002, auquel ont aussi participé de grandes entreprises, des secteurs de l’environnement et de l’énergie. La démarche RSE/RSO a été formalisée au niveau européen et international par la norme ISO 26000 dont la portée est mondiale (2010).

En Tunisie, la RSE a été expressément introduite dans l’ordonnancement juridique du pays par la loi n° 2018-35 du 11 juin 2018 qui en a fait une obligation à la charge des entreprises et autres institutions.

En effet, l’article 2 de la loi n° 2018-35 invite les entreprises publiques et privées - et toute autre institution - à consacrer des fonds au financement de projets permettant le développement de l'employabilité des jeunes et de l'économie verte, larticle 4 crée des commissions régionales RSE en tant que structures de proposition d'idées de projets appropriés pour les régions et comités d’orientation et de gestion des projets RSE et l’article 6 (et dernier) institue un Observatoire national RSE auprès de la Présidence du gouvernement pour le suivi et la coordination des activités RSE dans le pays.

La démarche RSE en Tunisie est conforme aux engagements internationaux antérieurs du pays au titre :

  • du Pacte mondial des Nations Unies (2000) (1), sachant qu’une cinquantaine d’entreprises publiques et privées sont partenaires du Pacte mondial RSE des Nations Unies, programme piloté par l’Institut de la responsabilité sociale de l’entreprise en Tunisie (IRSET) et que les premières assises nationales de la RSE ont été organisées en novembre 2017 afin de vulgariser le concept, mettre en valeur les « success stories » des entreprises tunisiennes partenaires du programme et donner l’opportunité à de nouvelles entreprises d’y adhére (2)
  • des 17 Objectifs du Développement Durable (ODD-2015-2030) pour la paix, l’humanité, la planète et la prospérité, adoptés en septembre 2015 par 193 États membres de l’Organisation des Nations Unies, sous la forme d’un Plan d’action (Agenda) à l'horizon 2030, nécessitant la mise en œuvre de partenariats multi-acteurs où chacun a vocation à faire sa part (gouvernements, secteur privé et société civile) (3)  ;
  • des Constitutions du 27 janvier 2014 et du 25 juillet 2022, qui ont consacré le droit à l’eau et à un environnement sain, de même qu’elles ont mis l’accent sur le devoir de l’État de contribuer à la sécurité climatique (4) 

L’article 1er de la loi n° 2018-35 du 11 mai 2018 sur la responsabilité sociétale des entreprises dispose d’ailleurs clairement que « La responsabilité sociétale des entreprises se fonde sur les principes consacrés par la Constitution et la communauté internationale, tels qu’énoncés par le Pacte des Nations Unies sur la responsabilité sociale, la Déclaration universelle des droits de l’homme, les conventions de l'OIT et la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement », sachant que le dernier alinéa du même article identifie la RSE comme « un principe adopté par les entreprises pour assumer les conséquences de l'impact de leurs activités sur la société et l'environnement, grâce à une démarche transparente entraînant des retombées communautaires positives au niveau local » (5).

Afin de cerner l’importance de la responsabilité sociétale (ou sociale) des entreprises (RSE) et son potentiel pour les entreprises tunisiennes, il convient de rappeler qu’elle résulte des demandes de la société civile (associations écologiques et humanitaires) en vue d’une meilleure prise en compte des impacts environnementaux et sociaux des activités des entreprises.

Le lien entre l’objectif macroéconomique de la RSE (participation des entreprises à la réalisation du DD) et la satisfaction des parties prenantes de l’entreprise est toutefois assez complexe, d’autant que le développement durable ne dépend pas exclusivement des entreprises mais de tous les acteurs.

La RSE en tant que bonne gouvernance se traduit, ou devrait se traduire, de différentes manières :

  • la définition d’une éthique, formalisée dans une charte de l’entreprise,
  • la mise en relation avec les parties prenantes de l’entreprise (tous les acteurs ayant des intérêts par rapport à la gestion de l’entreprise : clients, fournisseurs, employés, associations locales, collectivités territoriales, société civile représentée par les ONG),
  • la mise en place de programmes de gestion des risques,
  • une surveillance accrue des principes de sécurité,
  • une veille, notamment environnementale, sociale, sociétale, et juridique,
  • des projets de gestion des connaissances en support à l’innovation qui impliquent également plusieurs types d’agents économiques : les acteurs publics territoriaux de l’enseignement et de la recherche (pôles de compétence).
  • des programmes d’assurance qualité, avec la mise en œuvre des nouvelles normes,
  • la corrélation avec la nature du lien social et de la performance,
  • une communication interne et externe, incluant notamment des bilans sociaux et environnementaux.

L’approche RSE peut permettre de mettre en œuvre, entre autres, de nouvelles régulations et une meilleure gouvernance de l’entreprise, que l’entreprise soit grande, moyenne ou petite, dans les pays dits développés, comme dans les pays en développement. Son avantage réside en l’instauration d’une meilleure contextualisation des activités économiques des entreprises, une meilleure structuration des relations avec les parties prenantes et, théoriquement, une meilleure gouvernance d’entreprise. Chaque entreprise adapte cette démarche à son rythme et selon sa culture. Mais même si le rythme et la culture des entreprises sont différents, chaque entreprise doit intégrer la RSE.

Plusieurs programmes en cours de réalisation en Tunisie vont dans le sens d’une introduction progressive de la responsabilité sociétale des entreprises et organisations (RSE/RSO) dans le pays, à travers des initiatives permettant de mettre en place des actions dans les trois domaines du développement durable.

 Il s’agit souvent de programmes sectoriels (industrie, environnement, énergie…) pilotés par un ou plusieurs ministères, en collaboration avec diverses structures publiques et/ou privées.

Depuis 2005, 44 entreprises et organisations tunisiennes se sont engagées au titre du Pacte Mondial (dont 6 ONG, 2 universités et 1 institution publique) et plusieurs stratégies ont été développées, telles que la Stratégie nationale de développement durable (SNDD - 2012) ou la (Stratégie nationale pour une économie verte (SNEV - 2016).

Le Centre international des technologies de l’environnement de Tunis (CITET) a piloté plusieurs projets de ce type, notamment le programme de production propre ou l’Ecolabel tunisien, ainsi que le projet de Label RSE, en partenariat avec la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT), qui a démarré en 2012, sur la base d’un appel à candidature des entreprises ayant un nombre de salariés inférieur à 500 personnes.

Les acteurs les plus reconnus en matière de RSE en Tunisie sont les suivants :

  • Le Centre international des technologies de l’environnement de Tunis (CITET) et la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) qui collaborent sur plusieurs projets-pilotes en matière de RSE/RSO,
  • L’Institut national de la normalisation et de la propriété intellectuelle (INNORPI), qui contribue à la diffusion de la norme ISO 26 000
  • l’Institut de la responsabilité sociétale des entreprises en Tunisie (IRSET) qui sensibilise les entreprises aux bienfaits de la RSE/RSO et à la nécessité d’adhérer à un programme structuré, notamment le Pacte Mondial des Nations Unies…

Parmi les projets les plus significatifs figure le projet pilote pour la mise en place de l’ISO 26 000 dans certaines institutions publiques et privées.

Financé par la coopération suédoise et piloté par l’INNORPI, ce programme a permis d’introduire une certaine dynamique de RSE parmi les participants, à savoir 13 entreprises publiques et privées, et a donné lieu à la formation d’une quinzaine d’experts et à l’animation d’une cinquantaine de séminaires

Ce projet a aussi permis d’instaurer une dynamique concrétisée par la production du Référentiel national de la gouvernance (RNG), finalisé en 2016 et destiné à toutes les organisations publiques ou privées en tant que cadre visant à consolider l’intégrité et l’éthique professionnelles dans le cadre de la prévention de la corruption et de la décentralisation de la prise de décision.

Sur le terrain, le CITET pilote un projet d’introduction de la RSE et de l’empreinte carbone dans 100 entreprises du secteur aéronautique et automobile (2023-2026)

Il s’agit d’un Programme de partenariat visant à promouvoir l’intégration des enjeux sociétaux et environnementaux (RSE) dans 100 entreprises du secteur automobile et aéronautique en Tunisie, via la mise en œuvre d’un projet de renforcement des capacités et d’accompagnement des entreprises des deux secteurs, et ce, dans le cadre de la mise en œuvre de la CDN, de la SNDBC-RCC, en collaboration avec le Ministère de l’industrie et le Ministère des transports (CITET-UGPO Climat – GIZ).

L’objectif est de renforcer les compétences nationales en formant un pool d’experts qualifiés en la matière et outillés pour accompagner les entreprises dans la conduite du processus de transition écologique (RSE et empreinte carbone).

La Phase 1 de ce projet couvre la période allant de janvier 2023 à juin 2024 et se fonde sur la formation d’experts accompagnateurs dans le domaine de l’empreinte carbone via l’accompagnement d’un groupe pilote de 15 entreprises opérant dans les secteurs automobile et aéronautique (18 mois)

La Phase 2 a vocation à être lancée en juillet 2024 jusqu’en janvier 2026 et consiste en l’accompagnement d’un groupe de 100 entreprises pour l’évaluation de leur empreinte carbone et la mise en place d’une démarche RSE au profit des deux secteurs automobile et aéronautique.