En reponse aux défis internationaux et nationaux vis à vis de la lutte contre la pollution marine par les dechets plastiques, et dans le cadre d’une collaboration entre le Gouvernement tunisien et la Banque mondialesur l’économie bleue, cette assistance technique a ete créée pour élaborer une strategie « Littoral SansPlastique ou LISP – Tunisie ».

L’objectif global étant de parvenir à un littoral sans plastique. L’objectif spécifique est de reduire la pollution marine par les dechets plastiques et d’assurer une gestion integree visant la reduction des dechets a la source, dans la perspective d’une economie circulaire. Cette demarche sera possible grace a l’amelioration de la gestion des dechets dans les villes cotieres, a la mise en place des approches et des outils de l’économie circulaire, a l’integration de la chaine de valeur et au renforcement des instruments reglementaires incitatifs, et enfin a la sensibilisation, la recherche et l’innovation. L’approche principale de cette mission d’assistance technique est basee sur l’implication de toutes les parties prenantes au long de toutes les activites et les phases du processus de formulation de la strategie « LISPTunisie» et de son plan d’action. Cette approche est fondee sur les principes suivants : (i) la capitalisation sur les initiatives existantes et entreprises par les acteurs ; (ii) l’innovation en matiere d’approches, de methodologie et de projets ; (iii) la promotion de la circularite de la gestion des dechets plastiques ; (iv) l’integration tout au long de la chaine de valeur ; (v) la prise en consideration de l’aspect social (vi) le Hotspotting et la cartographie des opportunites permettant de cibler les zones d’intervention selon les priorites.

La premiere étape consiste en un diagnostic approfondi de la situation actuelle de la pollution par le plastique sur le littoral de la Tunisie. La méthodologie de diagnostic adoptee s’est basee sur : (i) une littérature guidant les exercices de Hotspotting, de delimitation de la zone d’influence et de détermination des taux de délivrance des dechets plastiques en mer ; (ii) l’identification des indicateurs necessaires adequats pour le contexte tunisien en se basant sur la litterature et la connaissance du contexte local.

Differents outils ont ete adoptes pour structurer les resultats de diagnostic et pour analyser la situation de la pollution du littoral Tunisien par le plastique. Il s’agit notamment de l’utilisation du modele DPSIR (facteurs, pressions, etats, impacts, reponses), de l’analyse SWOT, du Hotspotting et de l’analyse de la chaine de valeur. L’objectif derriere le diagnostic est d’analyser la situation, d’identifier les points chauds « hotspots » en vue d’anticiper sur les zones d’intervention prioritaire et de deduire les grands enjeux et les premieres orientations strategiques. L’idee est de developper une bonne base d’information pour la formulation de la « Strategie LISP-Tunisie ».

Pour cadrer la zone de travail, il a ete nécessaire de délimiter la zone d’influence, clairement effectuee en identifiant les gouvernorats littoraux de la Tunisie (13 gouvernorats) ainsi que les municipalités ayant un contact direct avec le littoral (130 municipalites) qui sont consideres comme des autorites responsables de leur territoire en termes de prise de decision, particulierement celle qui concerne la gestion des dechets. Il est important de noter que le linéaire tunisien total en contact avec le niveau de la mer est de 1670 km (APAL).

Afin d’avoir une idée sur le contexte et les pratiques internationales, une littérature a été developpee sur l’ampleur de la pollution par les plastiques au niveau mondial, en Europe et en Mediterranee. Les messages les plus pertinents sont principalement : (i) la nécessité de faire face de manière urgente a la pollution par les déchets plastiques notamment en mer Mediterranee, (ii) la nécessité d’assurer une meilleure implication de tous les acteurs, (iii) le développement des systemes de collecte des déchets et la récupération separee des materiaux recyclables restent un facteur important pour eviter le passage des dechets plastiques du milieu terrestre au milieu marin, (iv) l’importance du développement de la recherche et de l’innovation (v) l’importance de la mise en oeuvre d’une politique concertee et consensuelle basee sur l’approche de la REP avec une gestion dans une perspective d’economie circulaire, et (vi) la necessite de renforcer la coordination entre les pays et les differentes initiatives a l’echelle mondiale et regionale pour la lutte contre la pollution marine par le plastique. Avant d’entamer l’application du modèle DPSIR et la formulation des indicateurs, il est juge primordial de donner un apercu sur la filiere de plasturgie en Tunisie. Cette industrie est composee d’au moins 283 entreprises, dont 79 d’entre elles sont totalement exportatrices. Les principaux clients de cette industrie sont le secteur agroalimentaire, le secteur pharmaceutique et a un degre moindre le secteur agricole. De meme a ce niveau, des chiffres et des informations sur la gestion des dechets, l’infrastructure et le gisement des dechets ont ete mentionnes. Les chiffres montrent que la Tunisie génère 2.8 millions de tonnes de LITTORAL SANS PLASTIQUE- TUNISIE 11 déchets ménagers par an, dont 71 % sont générés dans les 13 gouvernorats, soit 2 millions de tonnes. La fraction des déchets plastiques représente 9.4 % des déchets. La cote tunisienne connait un flux quotidien de plastique superieur a la moyenne, estimé à 9,5 kg de plastique par km de côte chaque jour.

La chaine de valeur des produits en plastiques en Tunisie se caracterise par l’intervention de plusieurs acteurs, y compris les metteurs sur le marche principalement les producteurs et les importateurs, les utilisateurs, les récupérateurs formels et informels, les grossistes et semi-grossistes et les unites de recyclage informelles et formelles. Les principaux enjeux caracterisant le circuit de recyclage en Tunisie sont principalement : (i) le manque de tri a la source, (ii) la multiplicite des intermediaires avec des responsabilites qui se chevauchent , (iii) les collecteurs informels des materiaux recyclables ont un faible revenu et travaillent dans des conditions non securisees ; iv) l’absence d’incitation et de normes de produits recycles et de reglementation de l’utilisation des produits recycles, (v) l’insuffisance de l’infrastructure de recyclage.

Par la suite, ce rapport presentera les resultats de l’application du modele DPSIR, developpe sur la base d’une batterie d’indicateurs de forces motrices, de pressions-etat et d’impacts. Le premier groupe d’indicateurs de forces motrices cible la population qui constitue une source terrestre anthropique de plastiques contenus dans les dechets menagers. Ainsi, l’intensité démographique des gouvernorats littoraux est de 71 %, par rapport a la population nationale, alors que celle des municipalités littorales représente 45 %. Il est important de noter que l’intensite demographique, traduisant un potentiel de generation des dechets menagers et des dechets plastiques est tres elevee dans la Méditerranée.

Le deuxieme groupe d’indicateurs des forces motrices correspond a la generation de dechets solides et plastiques. La quantité annuelle des déchets plastiques mal gérée a été estimée à 55,5 kt par an. Il faut aussi noter que le secteur du tourisme est basé principalement à 95 % sur les zones cotieres. Ce secteur inclut le tourisme international dont les etablissements touris-tiques generent des quantites importantes de dechets plastiques qui s’elevent a 12.8 kt par an, auxquels s’additionnent les dechets generes sur les plages. Il faut aussi noter qu’on a enregistre une distance maximale de 50 km et minimale d’un kilometre entre les decharges controlees et les cotes/plages. En plus, les decharges non controlees sont identifiees a des distances relativement proches (1 a 5 km).

En plus des déchets générés par l’activite récréative importante sur le littoral tunisien, les activites de peche generent des quantites differentes a des intensites differentes, en fonction des zones. Par exemple, la production des déchets plastiques est importante dans les ports de pêche où l’intensité d’activité est importante comme dans ceux de Nabeul, Mehdia, Monastir, Sfax et Médenine.

Concernant la force motrice liee a la generation de dechets plastiques agricoles, la quantité totale au niveau national est estimée à 34 600 tonnes par an et concerne les cultures maraicheres sous abris (abri-serres, serres, serres multi-tunnels et petits tunnels) et le systeme d’irrigation goutte a goutte. Bien que le risque de fuite de ces dechets puisse etre modere ou eleve, les donnees actuelles dont nous disposons ne nous permettent pas d’estimer la fraction mal geree.

La force motrice correspond aux dechets plastiques issus des activites marines (activites portuaires, aquaculture, etc.) et des plages. Par exemple, les estimations montrent que l’aquaculture en Tunisie génère environ 275 tonnes/an. Selon WWF (2019), la peche, l’aquaculture et la navigation representent ensemble 15 % (1,3 kt) des debris plastiques generes sur le littoral tunisien. Les dechets plastiques generes dans les ports augmentent avec l’intensite de l’activite et du trafic. Dans les ports de commerces comme ceux de Zarzis, Rades, Goulette, Manzel Bourguiba, la génération du plastique est relativement moins importante par rapport aux autres ports. Pour les cas des ports de peches, on peut considerer les ports de Monastir, Bizerte, Sfax et Médenine comme générateurs importants de déchets plastiques. Selon l’OMMP (2019), la contribution nationale (en %) a l’activite du trafic maritime national pour et a partir des ports de commerce, est repartie comme suit : Rades (23 %), Skhira (17 %), Bizerte (17 %), Sfax (16 %), Gabes (11 %), Sousse (9 %), Zarsis (4 %), La Goulette (3 %) ou le niveau de la pollution par le plastique depend de l’activite et de l’infrastructure de collecte et de recuperation existante.

En ce qui concerne les pressions et l’etat qui en resulte, les indicateurs de fuite de dechets plastiques vers la mer sont calcules en adoptant deux hypotheses (20 % comme hypothese basse et 40 % comme hypothese haute) faisant reference aux taux de delivrance retenus par Jambeck et al. (2015) et qui sont egalement adoptees par le projet SEIS SUD II. Ainsi, la quantité de plastique livrée à la mer est estimée à environ 17 kt/an, ce qui est très comparable aux résultats publiés par WWF. Il faut egalement noter le manque de connaissances, au niveau international, sur la repartition des debris marins dans les compartiments marins :

debris flottants, sur les cotes, et dans le fond marin.

Concernant les pressions générées par l’utilisation des plages et par les activites basees en mer, les indicateurs montrent : (i) un flux côtier annuel de débris plastiques sur les plages estimé à 5,9 kt/an ; (ii) le flux de plastique journalier côtier est de 9,5 kg/km/jour (en moyenne) ; (iii) le dechet plastique represente la fraction dominante des dechets sur les plages et les cotes tunisiennes. Pour le cas des points identifies :

un minimum de 48 % et un maximum de 78 %.

Les impacts des dechets marins sur les activites socio-economiques et les services ecosyste-miques ont ete evalues par WWF (2019). Les impacts moderes a eleves sur la peche, le com-merce maritime, le cout du nettoyage et le tourisme varient considerablement d’une ville a l’autre en fonction de l’importance des services ecosystemiques et de l’intensite des pressions generees par les dechets plastiques. Soulignons a ce niveau que le tourisme et la peche sont significativement impactes au niveau des hotspots. L’impact ecologique est probablement majeur a modere bien que les donnees permettant de le demontrer ne soient pas disponibles. L’impact de ce modele de gestion des dechets plastiques est egalement important sur les collecteurs informels des dechets qui dependent de ces materiaux et qui travaillent dans des conditions difficiles. Cela impacte indirectement et directement la societe a travers des pertes d’opportunites d’emplois.

L’ensemble de ces investigations a permis d’identifier les hotspots du littoral tunisien lies aux dechets plastiques. Une matrice decrivant les hotspots et les zones sensibles a ete elaboree sur la base d’une serie de donnees primaires et en adoptant un systeme de scoring et de ponderation. Les resultats montent que (i) les villes de Jendouba (score 86), Beja (82), Ariana (82), Tunis (96) et Nabeul (91) sont classees comme des hotspots ; (ii) les villes de Bizerte (73), Ben Arous (78), Sousse (75), et Gabes (76) sont classees comme des zones sensibles ; (iii) les villes Mehdia (115), Monastir (122), Sfax (109) et Medenine (119) sont classees comme des hotspots prioritaires.

En reponse a cette situation, d’une part, le Gouvernement tunisien a pris plusieurs mesures et a lance plusieurs programmes pour reduire et prevenir la pollution marine. Sur le plan juridique, il a adopté tout un arsenal de reglementations liees a la protection cotiere. Institutionnellement, il existe actuellement un groupe tres important d’acteurs dont les roles et les responsabilites meritent d’etre clarifies et redefinis et dont les actions gagnent a etre coordonnees pour eviter les chevauchements des interventions et pour assurer un modele de gestion durable des dechets plastiques. D’autre part, le secteur prive et la societe civile ont initié plusieurs activites pour appuyer les efforts nationaux et internationaux.

Deux analyses SWOT ont ete menees de maniere participative par les structures concernees du Ministere de l’environnement (ME) et les experts de la Banque mondiale. L’une à porte sur l’analyse du systeme ECOLEF, qui représente un systeme important depuis sa creation, l’autre a porte sur la thematique « Gestion des dechets plastiques pour une reduction de la pollution marine a travers les approches de l’economie circulaire dans l’écosystème du littoral tunisien ». De cette derniere, les sous-themes consideres sont : le cadre institutionnel, le cadre reglementaire, le financement ; les enjeux de la recherche, du developpement et de la surveillance et la dimension socio-economique. Cette etape s’est ainsi cloturee par la formulation des orientations stratégiques ou plus exactement de pistes preliminaires pour la formulation de la strategie LISP. Sur la base du diagnostic, de l’analyse SWOT, des enjeux et des défis majeurs, une phase de formulation de la stratégie « Littoral Sans Plastique LISP » a été entamée. A l’exemple de la démarche de concertation et de coconstruction adoptée tout le long de phase de diagnostic, tous les partenaires et les parties concernees des differents secteurs intervenant dans les maillons de la chaine de valeur du plastique et dans la lutte contre la pollution marine par le plastique ont ete invites a participer au developpement de la stratégie. Des réunions virtuelles et des échanges individuels ont eu lieu pour discuter, tamiser, reajuster, completer et reformuler les idees identifiees a partir des resultats du rapport de diagnostic. La consultation a abouti a un certain nombre de points, dont le plus important est l’accord entre tous les participants sur une vision commune de la strategie et cinq objectifs strategiques. Les discussions se sont poursuivies pour aboutir a la formulation des objectifs operationnels, ainsi qu’une liste de 84 mesures et 44 projets innovants valides apres concertation avec les acteurs. L’equipe de travail elaborera, pendant la prochaine phase, un plan concret base sur des indicateurs de suivi et de surveillance, des priorites d’intervention, des echeanciers et une estimation budgetaire. L’objectif est de contribuer, parmi d’autres programmes, à atteindre la vision LISP et les objectifs strategiques.

 

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