Contexte et Importance du SIPAM

Les Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial sont définis par la FAO comme étant «Des systèmes et des paysages remarquables d'exploitation de terres, riches en une Diversité biologique d'importance mondiale et évoluant grâce à l'adaptation d'une communauté à son environnement, à ses besoins et à ses aspirations au développement durable ».

Partout dans le monde, des générations d’agriculteurs et d’éleveurs ont créé des systèmes et des paysages agricoles spécifiques, les ont façonnés et les ont entretenus. Ces systèmes valorisent les ressources naturelles locales et leur gestion repose sur des pratiques adaptées au contexte local.

Basés sur les savoirs et sur l’expérience locaux, ces systèmes agri-culturels ingénieux reflètent l’évolution du genre humain, sa profonde relation avec la nature et la diversité de ses savoirs

Le programme SIPAM cherche à sauvegarder les biens et les services sociaux, culturels, économiques et environnementaux que ces sites procurent aux petits exploitants familiaux, aux communautés locales ; dans cette perspective elle développe une approche intégrée qui associe une agriculture durable et le développement rural.

La FAO a lancé en 2002 une initiative destinée à assurer la conservation et une gestion évolutive des Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM).

L’Initiative SIPAM vise à promouvoir la compréhension et la prise de conscience de l’importance des sites du Patrimoine Agricole Mondial et à assurer leur reconnaissance aux niveaux national et international.

Critères pour être SIPAM :

  • Alimentation et sécurité des moyens de subsistance : Il s’agit de décrire comment le système agricole3 proposé contribue à la Sécurité alimentaire et à la sécurité des moyens de subsistance des communautés locales. Cet aspect englobe l’accès aux aliments, la contribution du système à une alimentation variée ou encore la durabilité économique du système. La contribution économique du système aux moyens de subsistance des communautés peut inclure toute pratique qui favorise l’approvisionnement et les échanges entre les communautés locales et/ou les communautés externes.
  • Biodiversité et fonctions des écosystèmes : Le système doit présenter une agrobiodiversité, une diversité génétique et des pratiques ou connaissances pertinentes qui contribuent à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité pour l’agriculture, la pêche, la foresterie et les pratiques d’élevage.
  • Systèmes de partage du savoir et technologies adaptées : le système doit être riche en terme de savoirs locaux et traditionnels inestimables, les techniques ingénieuses d’adaptation et les systèmes de gestion des ressources naturelles, y compris des biotes, des sols et de l’eau, qui ont soutenu les activités agricoles, forestières ou halieutiques.
  • Cultures, systèmes de valeurs et organisations sociales : l’identité culturelle et le sentiment d’appartenance au lieu doivent être ancrés dans le site proposé et lui appartiennent. Ainsi il faut montrer comment les organisations sociales, les systèmes de valeurs et les pratiques culturelles associées à la gestion des ressources et à la production alimentaire peuvent assurer la conservation des ressources naturelles et promouvoir l’équité dans l’utilisation de ces ressources et l’accès à celles-ci.
  • Paysages remarquables, caractéristiques de la gestion des ressources naturelles (terres et eau) : les paysages terrestres ou marins et leurs histoire et évolution au fil du temps du fait des interactions entre l’homme et l’environnement est la preuve de l’intégration de la production alimentaire, de l’environnement et de la culture dans une zone ou une région donnée.

Les SIPAM en Tunisie

Les SIPAM disposent d’un cadre stratégique adéquat. En effetLa stratégie et le Plan d’action Nationaux sur la biodiversité (2018-2030) ont intégré la promotion des SIPAM en tant que priorité qui consiste à DEVELOPPER LE SAVOIR ET VALORISER LE SAVOIR-FAIRE TRADITIONNEL (objectifs Aichi 18 et 19): Un sous-programme dédié à la conservation impliquant les Collectivités locales pour la valorisation des connaissances et des Savoir-faire traditionnels. Ce sous-programme comportera, entre autres, la création de 5 sites SIPAM d’ici 2030, notamment à Ghar El Melh, Kerkennah, Djebba, Kesra et l’agrosystème Jessour.

Après la certification de 2 nouveaux sites en 2020, la Tunisie, avec 3 SIPAM inscrits dans la liste mondiale, occupe actuellement le premier place en terme de nombre de SIPAM dans l’Afrique, dans l’Afrique du Nord et dans la région MENA.

SIPAM Oasis historique de Gafsa :

Le SIPAM « oasis historique de Gafsa » est parmi les 6 premiers sites pilotes dans le monde qui ont été reconnus SIPAM en Juin 2011  au cours de la  Conférence Mondiale du SIPAM en Chine.

L’oasis historique de Gafsa couvrant environ 700 ha est caractérisée par de rares ressources en sols fertiles et des conditions climatiques sèches. Sur le plan  ethnique la population locale est d’origine Berbères et Arabes.

L'oasis historique de Gafsa est l'une des meilleures expressions de l'adaptation de l'agriculture au climat aride en Tunisie. Elle  permet de subvenir aux besoins des collectivités locales en se basant sur des systèmes de cultures en étages complexes, cette oasis est aujourd'hui menacée par l'évolution des objectifs de production : exportation et monoculture ainsi que l’urbanisation.

Basée sur les systèmes de culture en étages, l'oasis historique de Gafsa est une terre de production de céréales, de légumes, de fruits et de palmiers dattiers. Ces terres de production intensive représentent 10% de la production régionale soit 9 millions de dinars tunisiens. De plus, ce sont environ 2500 et 5000 personnes qui travaillent en permanence et de façon saisonnière dans cette oasis, assurant un revenu aux communautés locales. Le produit le plus important contribuant au revenu des petits agriculteurs est les oliviers atteignant 10 000 tonnes chaque année. Cette production est estimée à 14,6 millions de DT par année.

Grâce aux différents étages de cultures, de nombreuses variétés peuvent être cultivées dans cette oasis. La biodiversité des espèces et des variétés est importante avec quelques variétés locales menacées d'arbres notamment d'abricotiers. Il existe environ 98 variétés de palmiers dattiers, 10 espèces d'arbres fruitiers et 15 espèces de légumes.

En outre, l'oasis est un habitat pour les plantes sauvages spontanées, les animaux, les poissons ou les amphibiens de la région. Il est également considéré comme un établissement pour certaines espèces migratrices telles que les oiseaux huppe fasciée. Grâce à la biomasse végétale, cette oasis permet de réduire les risques d'érosion éolienne et de réduire les effets du changement climatique dans cette région.

Le système multicouche comprend trois niveaux de plantation : au niveau du sol, les céréales et légumes, au niveau intermédiaire, les arbres fruitiers tels que les oliviers, les abricotiers et les grenadiers. Au plus haut niveau, palmier dattier faisant de l'ombre aux autres arbres et plantes. Ce système est un haut niveau de pratiques  agroforestières. Il comprend également des animaux pour tirer les charrues traditionnelles dans l'oasis.

Sur le plan culturel, de savoirs faire, de technologies adaptées  le SIPAM oasis historique de Gafsa est riche aussi grâce à l’ingéniosité de la communauté locale. En effet, la gestion de l’espace avec les cultures en étage est une pratique permettant de s’adapter aux conditions climatiques difficiles et de tirer profil des ressources qui sont rares notamment l’eau. Ce système de culture comprend trois niveaux de plantation : au niveau du sol, les céréales et légumes, au niveau intermédiaire, les arbres fruitiers tels que les oliviers, les abricotiers et les grenadiers. Au plus haut niveau, palmier dattier faisant de l'ombre aux autres arbres et plantes. Ce système est un haut niveau de pratiques agroforestières. Il comprend également des animaux pour tirer les charrues traditionnelles dans l'oasis

A côté de l’agriculture la communauté locale du SIPAM Gafsa adopte des méthodes traditionnelles de fabrication de la laine, l'extraction traditionnelle de l'huile d'olive et  le tissage qui est réputé en Tunisie pour leur beauté et leur qualité.

SIPAM Systèmes culturaux lagunaires Ramli de Ghar El Melh.

Le Système Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial de Ghar El Melh reconnu officiellement en  juin 2020 est aussi une zone humide classée RAMSAR (2007). La ville de Ghar El Melh, s’est vu également remettre le “label Ville des zones humides » pendant la 13ème session de la Conférence des Parties Contractantes de la Convention de Ramsar sur les zones humides (COP13, à Dubaï (UAE), du 19 au 29 octobre 2018).

L’espace terrestre de ce site est enserré entre la montagne de Jbel Ennadhour dont les piémonts présentent des sols ingrats et les zones humides (lagune de Ghar El Melh et Sebha de Sidi Ali el Mekki) ne laissant que peu de place pour les activités agricoles.

Cette restriction physiographique et la rareté des terres arables est conjuguée à la rareté de l’eau douce (eau de surface et souterraines). Ce contexte a été à l’origine d’autres systèmes singuliers pour préserver et de mieux disposer de ces ressources rares que sont l’eau et la terre, on citera à titre d’exemple les jessours et les tabias.

A Ghar El Melh et à Sidi Ali El Mekki, ces difficultés ont pu être surmontées dès le 17ème siècle par la diaspora andalouse qui s’est installée sur le territoire tunisien et dont l’ingéniosité en matière de pratique agricole est reconnue. Des pratiques ingénieuses et sans doute uniques au monde se situent sur les berges et à l’intérieur de la sebkha de Sidi Ali El Mekkiet également sur les berges de la lagune de Ghar El Melh. Ce type de culture appelé Ramli pratiqué par les natifs de Ghar El Melh et du bourg voisin de Bejou, se décline dans le site en cultures sur le cordon littoral (el Hay) et sur les berges de la lagune de Sidi Ali El Mekki (Edhriï) et sur des parcelles situées sur les îlots (Guettayas), à l’intérieur de la zone humide. Quelques parcelles bien drainées sont également gagnées sur les marais jouxtant la lagune de Ghar El Melh (Mlalleh).

Les principes de cette pratique culturale, sur les espaces péris et intra « zones humides », est le développement de cultures (arboriculture et cultures potagères) sans irrigation, sur un sol dont le niveau permet aux plantes de subvenir à leurs besoins en eau par contact de leur système racinaire avec une fine lentille d’eau douce surnageant l’eau salée. Cette lentille ou lame monte et descend d’une dizaine de centimètres deux fois par toutes les six heures respectivement à marée haute et à marée basse. Elle se reconstitue chaque année à la faveur des précipitations permettant tout de même deux cycles de culture par année. Ainsi,

outre le travail indu aux cultures proprement dites, la particularité réside ici à maintenir le sol au bon niveau : ni trop bas afin que les racines ne prennent pas contact avec les eaux salées, ni trop haut pour éviter l’assèchement des racines. Ce travail de régulation des sols se fait par des apports réguliers de sable et de fumier animal.

Afin de diminuer les effets des vents desséchants et ceux des embruns, des claies en roseaux sont disposées pour protéger les cultures et garantir le microclimat nécessaire au développement des plantes.

Hérité de génération en génération, ce mode de culture est aujourd’hui menacé. Car même s’il est vivrier, il ne semble pas aussi rentable que les cultures classiques. Ces parcelles peuvent être considérées comme des jardins ou des potagers familiaux privatifs qui satisfont aux besoins familiaux et les subsides sont vendus. Situées sur les cordons littoraux sont le support l’arboriculture, notamment la vigne mais également des cultures maraîchères. Celles des îlots sont dédiées aux cultures maraîchères (principalement la pomme de terre, mais aussi d’autres espèces comme les tomates, piments, courges, melons, pastèques). Les paysans cultivent des variétés produites grâce à des semences commercialisées par les semenciers internationaux que l’on trouve chez les vendeurs de semences mais aussi des variétés tunisiennes et quelques variétés locales considérées par les exploitants comme exclusives à Ghar El Melh mais ces cultivars n’ont pas encore fait l’objet d’une identification et de leurs caractéristiques propres. Tous les produits issus des cultures Ramli sont reconnus pour leurs qualités organoleptiques. Aujourd’hui, le maintien de ce système ingénieux est tributaire du maintien de l’attachement des exploitants à ces pratiques séculaires d’un grand intérêt mais toutefois chronophages. Il est à signaler que les exploitants ont tous d’autres métiers (pêche en mer, pêche lagunaire, commerçants, instituteurs et surtout retraités) qui assurent une part importante de leurs revenus.

Ce qui rend unique les systèmes ramli à Ghar El Melh c’est qu’ils disposent d’un héritage agricole singulier. Cet héritage vient se conjuguer à d’autres potentialités culturelles et patrimoniales immatériel d’une grande valeur telle que la gastronomie ainsi qu’un patrimoine paysager exceptionnel où se superposent zones humides, montagne, mer et île….

Les cultures Ramli (Guettayas et Melellah) sont irriguées naturellement, par le bas, grâce au mouvement de percolation d'une petite nappe d'eau douce qui se déplace au gré des marées. Le mode d’irrigation est tributaire de la bonne communication entre la sebkha de Sidi Ali El Mekki et la mer qui favorise le balancement des marées.

La particularité de ce système est l’ancien savoir-faire local des agriculteurs, leur permettant de maintenir le sol à un bon niveau en évitant que les racines ne prennent contact avec les eaux salées.

La région de Ghar El Melh conserve toujours son patrimoine culturel paysan où la pêche et l’agriculture sont les principales activités de subsistance. Ces deux secteurs représentent 46% de la main d’œuvres totale (INS, 2004). Dans la pratique et sur le terrain les responsables chargés aux niveaux régional et local du secteur de la pêche (ULAP et responsables au niveau des ports), considèrent que la catégorie des agro-pêcheurs ne représente pas plus de 20-30% des pêcheurs des zones qu'ils contrôlent. Ils affirment que cette catégorie des agro-pêcheurs est plus représentée dans la catégorie des pêcheurs pratiquant la pêche côtière que les autres types de pêche.

La richesse spécifique de la lagune a été en grande partie pour le maintien d’une activité de pêche artisanale, on y trouve l’anguille, les mulets ainsi que d’autres espèces d’intérêt pour la pêche notamment, Diplodus vulgaris, Diplodus annularis, Mullus barbatus.

La totalité des pêcheurs enquêtés (100%) pratiquent eux-mêmes l’activité. Le nombre moyen de jours de pêche travaillés par ces derniers est de 221 jours/an contre 167jours/an pour les agro-pêcheurs. Dans l'exercice de leur métier, les pêcheurs se font aider par leurs enfants dans seulement 17% des cas. Dans 40% des cas, ils engagent des ouvriers pour une durée moyenne de 192jours/an.

Les quantités moyennes pêchées par les pêcheurs oscillent entre 446 et 552Kg/an toutes espèces confondues. Tous confirment la baisse continue chaque année des volumes de pêche dans la lagune qui prouve la pression exercée sur les ressources. Les parts moyennes autoconsommées, tous produits de la pêche confondus, sont de l’ordre de 1.65% pour 98.35% commercialisés.

La deuxième activité des habitants de Ghar Elmelh est l’agriculture qui est réputée par sa forte intensité d'occupation du sol et une grande diversité dans les cultures dans la région. Le paysage de la zone est marqué par une mosaïque de terrasses, de cultures Ramli ainsi que des cultures dans les Gattayas. Les grandes cultures occupent 44 % de la surface agricole utilisée ; alors que les cultures légumières 43.1 % avec 23.1 % pour la culture de pomme de terre, les arbres fruitiers n’occupent que 12.6 % de la surface agricole utilisée, principalement les amandiers, les figuiers et la vigne.

La lagune de Ghar El Melh est le cœur de ce complexe pêche-agriculture traditionnelle du fait que plusieurs types de techniques notamment la culture Ramli ou les Gattayas s’effectuent sur le cordon littoral ou sur les îlotsde la lagune de Sidi Ali el Makki.

Le site SIPAM Ghar El Melh englobe environ 290 exploitants pour environ 210 ha (source ULAP) : 60 exploitants (28 ha) pour les Mellahas, 140 agriculteurs (100 ha) pour les Guettayas et 90 exploitants (81 ha) pour les hays. Parmi les exploitants, on signalera 250 personnes qui s’adonnent à la pêche lagunaire et la pêche en mer.

Concernant la culture Ramli, la surface moyenne des parcelles est de 0.266ha. La surface la plus importante est de 0.8ha et celle la plus petite est de 0.025ha. 42% des exploitants des parcelles sont propriétaires des parcelles qu’ils exploitent.

Quelquefois d’autres cultures comme les piments, les fèves et la courge sont pratiquées mais en petite quantité. Elles sont surtout destinées à l’autoconsommation et rarement à la commercialisation.

 

Le terroir de Ghar El Melh demeure un espace de polyculture intensive à dominante familiale. Il associe l’arboriculture aux cultures annuelles et les cultures sèches aux cultures irriguées sur les versants sud de Jbel Ennadhour, ce terroir s’étend jusqu’aux terres humides bordant les lagunes ainsi que sur le cordon littoral. Les habitants cultivent des arbres fruitiers, des cultures maraîchères associées à quelques arbres. Ils cultivent essentiellement de la pomme de terre, l’oignon, l’ail et quelques légumes.

Suite à une enquête effectuée auprès de quelques producteurs, il s’est avéré que la plus grande part des spéculations est effectuée à partir de semences commerciales en partie d’origine internationale, ceci concerne surtout la pomme de terre qui constitue le fer de lance  de la production agricole locale mais aussi les tomates ainsi que la plupart espèces potagères et fruitières cultivées : tomates, pommes de terre, oignons, ail mais également les melons, les pastèques, les courgetteset les courges. Episodiquement des assolements sur base de fèves sont effectués afin d’enrichir le sol en azote.

Les exploitants sont également très attachés aux variétés locales qu’ils échangent régulièrement en petites quantités sous forme de graines : il s’agit de la courge « boutebssi », de variétés locales de melons, et de pastèques, des haricots blancset quelques semences de tomates et de piments soupçonnés comme étant des variétés locales.

 

La diversité des milieux du SIPAM Ghar ElMelh est aussi favorable à l’établissement d’une biodiversité faunistique et floristique remarquable tant sur la partie terrestre, dans les zones humides et le milieu marin.

Les observations faites dans la lagune, ont permis de compter de nombreux oiseaux d’eau : cormorans, fuligules milouin, oies cendrées ; canards colvert, canards souchet.

Par ailleurs, la zone montagneuse d'Enadhour renferme quelques rapaces qui, placés en haut de la chaîne alimentaire, représentent un bon indicateur de l'état d'équilibre de l'écosystème. Ainsi, on signale la présence de quelques espèces dont les plus importantes sont : la buse féroce, l’aigle botté, le circaète et le faucon crécerelle

Pour la flore des zones adjacentes au site SIPAM il est assez riche et typique. En effet les scientifiques ont pu recenser une espèce endémique stricte : Linaria cossoni, endémique du nord-est de la Tunisie. Elle y abonde sur les dunes plaquées du versant nord (à l’est de Raf Raf plage) mais est en voie d’extinction sur le piémont sud (autour des maisons de Ghar El Melh plage).

À celle-ci peuvent s’ajouter au moins 5 espèces « subendémiques » il s’agit de Malcolmia doumetiana,Genista aspalathoides, Thapsia polygama), Muscari maritimum et Scilla lingulata (= Hyacinthoides lingulata).

L’espèce la plus remarquable du site aussi qui est rare « thym inodore » :Satureja barceloi (= Micromeria inodora), espèce sud-ouest-méditerranéenne à aire disjointe (DE BOLOS & VIGO 1995).

SIPAM Les jardins suspendus de Djebba El Olia

Ce site a été certifié en tant que SIPAM en juin 2020 suite à un processus de concertation avec les agriculteurs et la communauté locale. En effet l’appropriation est un facteur primordial pour la durabilité de ce système.

Djebba dispose d’un héritage agricole singulier et une biodiversité riche. Cet héritage vient se conjuguer à d’autres potentialités culturelles et patrimoniales immatériel d’une grande valeur telle que la gastronomie ainsi qu’un patrimoine paysager typique.

« Djebba El-Olia » est un terroir très spécifique créé et maintenu par l’Homme à travers des générations. Ce terroir perché est constitué de jardins dans lesquels les agriculteurs de Djebba font une agriculture basé sur différentes variétés de figuiers en plus de plusieurs autres espèces arboricoles, légumières et céréalières.

Djeba dispose d’une agriculture de montagne basée sur la pratique d'une agroforesterie où le figuier, avec ses diverses variétés, occupe une place de taille. D'autres espèces arboricoles domestiques et sauvages coexistent. Elles occupent les lisières des jardins familiaux et contribuent à la complémentarité et l'originalité de cet écosystème.

Le SIPAM Djebba El Olia se distingue par les diverses formes d’ingéniosité qui ont été mise en œuvre pour tirer le meilleur parti d’un milieu à priori défavorable (nature très accidentée, terrains à forte déclivité, sol superficiel et pauvre peu propice à la culture,...). Parmi ces ingéniosités qui font la spécificité de "Djebba et Olia" on remarque notamment l’aménagement des terrasses pour la culture, le choix des espèces cultivées, les pratiques culturales et surtout la gestion rationnelle et collégiale de l'eau. Les combinaisons multiples de ces ingéniosités pratiquées de manière collective ou individualisée font l'originalité et la spécificité de "Djebba et Olia" et expliquent amplement le niveau élevé de Sécurité alimentaire qui y est atteint et la force d'attachement des hommes et des femmes à leur terroir.

Le territoire de "Djebba el Olia" s'étend sur environ 300ha et correspond à la partie haute dite "Djebba el Olia". Sur le plan altitudinal, le site est situé à environ 600 m d’altitude et est caractérisé par son emplacement juste en contre bas du Mont el Gorrâa qui le domine. Depuis longtemps, les habitants de Djebba pratiquent une agriculture de montagne sur des terrasses aménagées ou naturelles et tournée vers la subsistance qui a progressivement évolué vers une forme mixte (subsistance et rente).

Ce système ingénieux développé, transmis et maintenu à travers les générations est caractérisé par :

● un aménagement des terrasses sur des terrains rocheux fortement accidentés et création des sols pour des cultures pérennes qui contribuent à la lutte contre l’érosion

●  des jardins-vergers suspendus très typiques à base de figuier, d'autres arbres fruitiers mais aussi d'arbres semi forestiers aux fruits comestibles,

● la création, progressive, d'un système complexe basé sur les interrelations entre des composantes agroforestières axées sur les fruitiers et les cultures potagères et où les légumineuses prennent une place de taille, un système d'irrigation judicieux, économe en ressources et qui frôle la précision et un élevage de petits ruminants et des bovins,

● le choix des associationsd’espèces cultivées et de pratiques culturales "agroécologiques" basée sur les ressources locales et faisant un recours très limité aux produits chimiques permettant ainsi la création d'une ambiance saine en conditions de montagne,

● des techniques douces de travail du sol permettant sa conservation et le maintien de sa fertilité,

● Installation des haies mixtes (murailles et végétation pérenne) qui séparent les jardins suspendus et constituent un refuge à une Diversité biologique (flore et faune) spécifique,

● Usage des semences locales résilientes aux divers effets contraignants dont le changement climatique, avec un savoir-faire local de production et conservation desdites semences.

● Méthodes et processus de transformation et stockage des récoltes,

● Modes de gestion rationnelle, collégiale et efficiente de l'eau,

● Ingéniosités multiples acquises et transmises de génération en génération.

Le SIPAM  Djebba est un système de production ayant fait preuve d’efficience et qui constitue une importante source de revenu...illustré par :

● Système particulier de polyculture permettant plusieurs productions végétales par an sur une même parcelle souvent de petite taille (quelques centaines de mètres carrés): les différentes productions sont d'abord employées pour satisfaire les besoins diversifiés de la population locale et permettre le génération de revenus par la vente des surplus pour assurer un complément de revenu qui contribue aussi à assurer leur Sécurité alimentaire par l'acquisition d'autres produits,

● Figues de Djebba, bénéficiant d’un label AOC, très bien appréciées (fraiches, séchées et transformées en confitures). Elles sont recherchées localement, dans tout le pays et même à l’étranger : source sûre de revenus,

● Vergers-jardins avec petit élevage associé : fourniture de divers produits végétaux (fruits, légumes, céréales…) et animaliers (viande, oeufs et lait) pour la consommation familiale et la vente des excédents.

Les jardins suspendus de Djebba el Olia comptent plus que treize espèces d'arbres fruitiers (cultivés et/ou semis forestiers à savoir : figuiers, cognassiers, oliviers, grenadiers, pruniers, pommiers, orangers, amandiers, poiriers, abricotier, pêchés et muriers) et une quinzaine de légumes sans compter les variétés (pois chiche, petit pois, fève, haricots, pomme de terre, tomate, piment, gombo, oignon, courge, courgette; persil, céleri; ail,blette et carottes).

Certaines de ces espèces sont appréciées par les paysans et se comptent en nombre d'autres en revanche sont peu représentées mais persistent dans les jardins et y ont leur place.

A titre d'exemple 100% des paysans possèdent des figuiers qu'ils soient bifères ou non par contre l'amandier n'est présenté que dans environ 2% des jardins. Il en est de même pour les légumes. Les trois principales espèces sont la pomme de terre, le piment et la tomate comparées aux espèces les moins cultivées telle que le gombo, la céleri et la blette

Importance et défis de la certification SIPAM

La reconnaissance SIPAM de ce site permet d’appuyer les acteurs locaux et régionaux à sauvegarder et à pérenniser leur système agricole singulier. cette reconnaissance permettra de conserver les connaissances et les pratiques agricoles traditionnelles locales et précieuses. Également, elle préservera une technologie d'adaptation au changement climatique ingénieuse et des systèmes de gestion des ressources naturelles durable. Cette certification SIPAM contribuera à garantir un équilibre social dans la région lié à la gestion des ressources et à la production alimentaire et à maintenir des pratiques coutumières qui assurent une Sécurité alimentaire.

Les principaux défis et les principales menaces qui pèsent sur ce système se manifestent essentiellement comme suit :

  • le déficit hydrique et la carence en eau douce dû aux changements climatiques.
  • La population quelque peu vieillissante notamment les exploitants de ces parcelles et l’abandon par les jeunes des travaux agricoles pénibles et peu lucratifs menace l’héritage de ce système 
  • Perte des semences locales et morcellement des parcelles désavantageux pour les cultures.