1. Introduction

La Tunisie présente une multitude de paysages et de milieux diversifiés avec une grande richesse en termes de biodiversité faunistique et floristique. Elle renferme de nombreux types d'écosystèmes: côtiers, insulaires, montagneux, désertiques, oasiens et de zones humides. Ces écosystèmes sont particulièrement menacés par plusieurs facteurs anthropiques et climatiques, et ne peuvent parfois plus assurer les services d'apprivoisement indispensables au développement socio-économique du pays et notamment des populations dépendantes de ces ressources naturelles en général. Il est donc impératif de mettre en place des mesures d'adaptation à cette dégradation moyennant des programmes ayant pour but de promouvoir la conservation de la biodiversité, de soutenir l'utilisation durable des ressources naturelles et d'habiliter les communautés locales à la conservation de la biodiversité.

2. Coopération avec l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN)

L’Union Internationale de la Conservation de la Nature est une union de Membres composée de gouvernements et d’organisations de la société civile. Elle compte avec l’expérience, les ressources et le poids de ses plus de 1300 organisations Membres et les compétences de plus de 10 000 experts. L’UICN fait aujourd’hui autorité au niveau international sur l’état de la nature et des ressources naturelles dans le monde et sur les mesures pour les préserver.

Ayant adhéré à l’UICN le 6 avril 1998, le Ministère de l’Environnement, la structure gouvernementale de l’UICN en Tunisie a collaboré et coopéré avec le Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN basé à Malaga en Espagne pour la conception et la mise en œuvre conjointe de projets et d’initiatives dans le domaine de la conservation de la nature et la gestion et l’utilisation durable des ressources naturelles en Tunisie.

3.Domaines d’intervention

3.1.La Conservation des espèces (animales et végétales)

Pour acquérir des informations complémentaires sur les espèces et pour développer les programmes de conservation des espèces animales et végétales sauvages tant sur le plan technique qu’institutionnel et législatif, plusieurs études ont été faites dont les plus importantes sont :

  • L’étude d’Elaboration du registre national des espèces sauvages (REGNES),

élaborée en 2010. Les objectifs essentiels de de cette étude étaient surtout de :

  1. Asseoir un processus standard d’évaluation des états et statuts des espèces sauvages en Tunisie en conformité avec les normes et standards internationaux.
  2. Concevoir un outil d’aide à la décision en matière de conservation des espèces sauvages ayant un statut particulier (rare, vulnérable, menacé...).
  3. Proposer la promulgation des textes législatifs de protection, d’évaluation des impacts de projets de développement sur les habitats critiques d’espèces sauvages.
  4. Identifier des priorités pour la recherche scientifique sur la faune et la flore sauvage en Tunisie.
  5. Etablir une base de données sur les espèces sauvages en Tunisie consultable via le web à travers un portail à niveaux d’accès différents pour les participants au programme et pour le public concerné (étudiants, ONG )
  6. Compléter et mettre à jour les données sur l’état des populations et des peuplements des espèces en danger ou vulnérables, à travers des campagnes de prospection et d’investigation sur le terrain.

Lien vers l’étude 0.00 Ko

  • La Stratégie et plan d’action pour la conservation de la gazelle de Cuvier (Gazella cuvieri) en Afrique du Nord, (élaborés en 2017)

Cette stratégie et plan d’action pour la conservation de la gazelle de Cuvier découlent d’un programme de coopération à long terme entre le Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN et les partenaires gouvernementaux de L’UICN au niveau des trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) dont le Ministère de l’Environnement. La stratégie a été développée dans le cadre de la mise en œuvre du projet «Élaboration et mise en œuvre de plans d'action d’espèces dans les pays méditerranéens: amélioration de la capacité de gestion pour la conservation d’espèces menacées au Maghreb », financé partiellement par la Fondation MAVA. Les priorités de conservation identifiées dans cette stratégie de conservation étaient en harmonie totale avec le contexte de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS) et son programme sur les Antilopes Sahélo-Sahariennes, le programme de l’UICN en Afrique du Nord 2013-2016 et l’objectif 12 d’Aichi du plan stratégique de la CBD 2011-2020 qui stipule que d’ici à 2020, l’extinction d’espèces menacées connues est évitée et leur état de conservation, en particulier de celles qui tombent le plus en déclin, est amélioré et maintenu.

  • Etude sur la liste rouge nationale des espéces menancées: Avifaune et Flore (Monocotylédones, Ptéridophytes et Gymnospermes)

Les espèces menacées sont parmi les éléments de la Diversité biologique pour lesquels les Etats doivent prendre des mesures d’identification et de surveillance conformément à l’article7 de la convention sur la Diversité biologique . La mise en place de telles mesures passe par une connaissance suffisante de ces espèces et de l’état de leurs populations. Selon le rapport 2019 de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dont le résumé a été approuvé récemment lors de la 7ème session plénière de l'IPBES tenue du 29 Avril au 4 mai 2019 à Paris, nos sociétés ont saccagé en seulement 50 ans, une grande partie de la nature sur terre et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier.

La Liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) constitue l’inventaire mondial le plus complet sur la situation globale des espèces végétales et animales. A partir d’une solide information scientifique, son but essentiel est d’identifier les priorités de conservation et de fournir une base cohérente pour orienter les politiques et les stratégies d’action. Elle permet de hiérarchiser les espèces en fonction de leur risque de disparition, d’offrir un cadre de référence pour surveiller les évolutions, de sensibiliser sur l’urgence et l’étendue des menaces qui pèsent sur la biodiversité, et d’inciter tous les acteurs à agir en vue de limiter le taux d’extinction des espèces.

En Tunisie, la compilation bibliographique montre qu’aucune liste rouge « sensu stricto » n'a été publiée à ce jour aussi bien pour les oiseaux que pour les végétaux. Seule une liste REGNESS a été établie et qui correspond au registre national des espèces menacées.

Tenant compte de cette nécessité, et tenant en considération les données alarmantes sur l’accentuation du taux d’extinction des espèces publiées dans le récent rapport de l’IPBES, le Ministère de l’Environnement a pris l’initiative depuis 2019 de lancer en étroite collaboration avec l’UICN Med et les differents acteurs impliqués, un processus national d’élaboration de la liste rouge des espèces menacées qui a permis d’élaborer une feuille de route des futures actions prioritaires à entreprendre dont la plus importante était l’étude d’élaboration de la liste rouge nationale des espèces menacées: cas Avifaune et flore, plus précisément les Monocotylédones, les Ptéridos et les Gymnos).

La présente Liste Rouge spécifique aux oiseaux nicheurs de la Tunisie a été réalisé sur la base de deux approches différentes mais complémentaires. La première approche consiste à associer étroitement, pour la validation de la liste rouge définitive, les chercheurs spécialistes (particulièrement les botanistes et les ornithologues), les organisations et les associations compétentes disposant d’une expertise ou d’une banque de données exploitable sur les espèces soumises à l’évaluation. A cette approche s’associe une démarche d’évaluation de nature collégiale et qui consiste à croiser surtout à tenir compte des avis des experts spécialistes du groupe taxinomique étudié. Les résultats obtenus ont conduit à la mise en place d’une stratégie efficace pour l’identification des priorités de conservation des espèces globalement menacées et fournir une base cohérente et solide pour cadrer les politiques et les stratégies d’action à court, à moyen et à long termes, indispensables pour la conservation de la nature en Tunisie. Ces travaux permettront également de préparer une base référentielle pour la surveillance de la dynamique des groupes sélectionnés, afin d’éclairer et de catalyser des actions de conservation de des espèces menacées et inciter tous les acteurs à agir en vue de limiter le taux d’extinction de ces espèces.  Elle servira aussi de source d’information pour l’élaboration et la mise à jour des textes réglementaires prévus dans le cadre de la législation tunisienne en matière de protection des espèces.

PHASE I : ETABLISSEMENT DE LA LISTE ROUGE

Avifaune

La population nationale de chaque taxon a été évaluée conformément aux Catégories et Critères de la Liste rouge de l’UICN (UICN 2001 – 2012 – 2017). Toutes les données indispensables – telles que le nombre d’individus et les paramètres relatifs à la région, à la réduction, au déclin, aux menaces, à l’usage, aux fluctuations, aux sous-populations, aux localisations et à la fragmentation sont en rapport seulement à la population nationale et non à la population biogéographique d’origine.

Les résultats révèlent que sur les 191 espèces d’oiseaux nicheurs recensées, 180 ont fait l’objet d’une évaluation.

  • 74 espèces figurent sur la liste rouge :
  • 10 espèces éteintes (ET),
  • 13 sont en danger critique (CR) d’extinction,
  •  22 espèces en danger (EN)
  • 29 espèces vulnérables (VU)
  • 117 figurent dans les autres espèces
  • Quasi menacé (NT) : 19
  • Préoccupation mineure (LC) : 87
  • Données insuffisantes : 11

Flore

La liste exhaustive des 608 taxons appartenant aux groupes des ptéridophytes, Gymnospermes et Monocotylédones, présents en Tunisie et objet de cette étude a été dressée. Son analyse a permis d’identifier :

  • 42 taxons classés dans la catégorie Non applicable (Not Applicable, NA), car cultivés, ou récemment naturalisés, non indigènes ;
  • 304 taxons classés dans la catégorie Préoccupation mineure (Least Concern, LC), car abondants en Tunisie, et se développant dans des habitats non rares, non fragmentés et non fragiles ;
  • 181 taxons classés dans la catégorie Données insuffisantes (Deficient Data, DD), pour lesquels aucune donnée actualisée n’est disponible dans la littérature, et n’a pu être fournie ;
  • 80 taxons ont été évalués selon la méthodologie de la Liste Rouge des espèces menacées de l’UICN.

Une fiche synthétique a été élaborée pour chacun de ces 80 taxons, et une évaluation a été réalisée selon la méthodologie de la Liste Rouge des espèces menacées de l’UICN.

PHASE II : ELABORATION DU PLAN D’ACTION

Afin de visualiser les principales données présentées dans les fiches synthétiques évalués dans la phase 1, un tableau de synthèse est proposé pour chaque groupe d’espèce. Pour chaque taxon, est indiqué: la taxonomie, la catégorie de l’évaluation et les critères utilisés, la distribution en Tunisie, les superficies de la zone d’occurrence (EOO) et de la zone d’occupation (AOO), l’habitat, le type biologique, les menaces, l’utilisation et commerce, les actions de conservation en place  et les actions de conservation/recherches nécessaires.

Avifaune

Les oiseaux nicheurs en Tunisie sont exposés à divers menaces sérieuses dont les plus graves sont celles qui affectent directement la mortalité des individus et indirectement la perte et la fragmentation des habitats. Elles sont le plus souvent en rapport avec les activités de l’homme : expansion et intensification de l’agriculture, exploitation irrationnelle de la forêt, surexploitation des ressources naturelles, urbanisation, pollution, dérangement et braconnage, etc.

En réponse à ces menaces, des actions de conservation ont été proposées, il est nécessaire d’établir une stratégie d’intervention, soutenue par des activités à court, moyen et long terme. Les axes stratégiques identifiés sont comme suit :

  • Axe Stratégique 1 : Restauration et réhabilitation des milieux dégradés 
  • Axe Stratégique 2 : Protection des espèces et des sites clés de nidification
  • Axe Stratégique 3 : Réduire les collisions avec les éoliennes, les lignes électriques et les impacts du trafic routier.
  • Axe Stratégique 4 : Réduire les captures accidentelles
  • Axe Stratégique 5 : Réduire les collisions (éoliennes, lignes électriques et trafic routier).
  • Axe Stratégique 6 : Chercher des mécanismes de financement durable
  • Axe Stratégique 7 – Renforcer la sensibilisation et établir des plans de communication et de formation  

Les axes stratégiques  de conservation proposés se basent sur des fondements scientifiques et font  appel aux connaissances les plus à jour sur l’avifaune nicheuse et les concepts associés à leur protection. Ils  répondent aux besoins et aux enjeux nationaux sur l’avifaune et s’alignent avec la réglementation tunisienne et les conventions et chartes internationales ratifiées par l’état. Ils  mobilisent et encouragent la participation de tous les acteurs, de tous les secteurs d’activités concernés, y compris le grand public, et créent un consensus sur la nécessité d’agir. Ils permettront d’assurer le suivi et la continuité des actions et nécessitent d’être évaluer régulièrement.

Flore

Parmi les 80 taxons évalués, 9 sont classés dans la catégorie Quasi-menacé (Near Threatened, NT), et 71 sont aujourd’hui menacés par une combinaison de facteurs naturels principalement changement climatique) et anthropiques (exploitation non durable des ressources biologiques, pratiques agricoles et forestières dévastatrices, extension des terres agricoles au détriment des milieux naturels, urbanisation, pollution, introduction et invasion d’espèces allogènes…).

Ces 71 taxons se classent dans les catégories d’espèces menacées de la Liste rouge de l’UICN (UICN, 2001, 2012), soit :

  • 5 taxons aujourd’hui Eteints en Tunisie (Regionally Extinct, RE) : 1 ptéridophyte et 4 Monocotylédones (3 Orchidacées et 1 Butomacées) ;
  • 12 taxons En Danger critique d’extinction (Critically Endangered, CR) : 3 ptéridophytes et 9 Monocotylédones ;
  • 26 taxons En Danger (EN) : 3 ptéridophytes et 23 Monocotylédones ;
  • 28 taxons Vulnérables (Vulnérable, VU) : 5 ptéridophytes, 1 Gymnosperme et 22 Monocotylédones.

Ce constat rend urgente toute intervention visant à la protection et la conservation à court/long terme de ces 71 taxons.  A cet effet, un  plan d’action adapté à chacun des 71 taxons a été  proposé, avec une intégration judicieuse des deux approches de conservation in-situ (création d’aires protégées, ciblée sur les écosystèmes entiers, et actions de restauration et de réintroduction, en cas de dégradation ou de perte de l’habitat) & ex-situ (création de collections ex-situ vivantes -jardins botaniques, banques de semences, de gènes, de pollen et d’ADN, collections de cultures in-vitro- et d’herbiers accessibles, notamment dans leur pays d’origine).

Notons que toutes les données, les catégories et les critères validés dans les fiches synthétiques pour chaque espèce de l’avifaune, des Monocotylédones, des Ptéridos et des Gymnos ont été intégrées dans une plateforme opérationnelle avec cartographie des espèces choisies.

https://listerougetunisie.asmoffshore.com/

3.2.Liste Verte des aires protégées et conservées

Le programme de la de l’UICN est une initiative récente de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) officiellement lancée en 2014 lors du Congrès Mondial des Parcs dans le but de reconnaître et de promouvoir les aires équitablement gouvernées et efficacement gérées, protégées et conservées dans le monde entier. L'objectif principal du programme est d'encourager les aires protégées et conservées à mesurer, améliorer et maintenir leur performance par le biais de critères cohérents qui évaluent (i) la bonne gouvernance, (ii) le bon design et planification, (iii) la gestion effective, et (iv) les bons résultats de conservation.

En 2018, la Tunisie a inscrit 3 sites sur la liste vertes des aires protégées à savoir les parcs nationaux de Djbel El Serj et El Faija et l’aire marine protégée de l’ile de Kuriat et le processus d’évaluation de ces sites en en cours sous la supervision des autorités nationales concernées par la conservation.

3.3.Solutions Fondées sur la Nature comme alternative pour la lutte contre le changement climatique

Le processus national avec les SFN, particulièrement les SFN climatiques a commencé en 2015, lorsque la Tunisie a soumis son nouveau plan d'action climat à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en amont de la COP21.

Dans son INDC/CDN la Tunisie a arrêté une liste ambitieuse d’engagements reposant sur la protection, la restauration et l’entretien des écosystèmes, la conservation de la biodiversité tout en reconnaissant le rôle central joué par la nature pour l’atténuation et l’adaptation aux effets des changements climatiques, la gestion des risques naturels, la santé, la Sécurité alimentaire ,…etc,…. Le défi à soulever pour chaque pays, est comment passer à des programmes cohérents de mise en œuvre.

Consciente de ce défi, la Tunisie a adhéré depuis 2016 à l'initiative du Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN (UICN-Med) et l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) en vue de pousser l’action sur ce sujet.

Ainsi plusieurs évènements ont eu lieu en vue de lancer la démarche et la réflexion en Tunisie afin de permettre aux acteurs tunisiens d’explorer ensemble les options pour la mise en œuvre des SFN et d’identifier, dans les CDN, et sur la base des travaux effectués, les actions semblant les plus intéressantes du point de vue de l’action climatique et de la biodiversité.

Suite à l’intégration des actions relatives   la réhabilitation/restauration des aires protégées et préservation, gestion et restauration des zones humides en tant qu’écosystèmes fragiles et menacés dans la CDN actilisée en juillet 2021 et dans le cadre de promouvoir la coopération entre le Ministère de l’Environnement et l’UICN pour la conception et la mise en œuvre conjointe de projets et d’initiatives dans le domaine de la conservation et la gestion durable de la biodiversité en Tunisie, une mission pour l'élaboration d’une note conceptuelle d'une proposition de projet sur les Zones Humides côtières tunisiennes à présenter au Fonds Vert pour le Climat (GCF) est en cours de réalisation.  L'objectif de cette mission est de préparer la Concept Note du projet selon le modèle standard exigé par le GCF sur la base de la "Procédures d'approbation simplifiée".